Merci à ceux qui ont venus à la fête de démarrage du secteur de Pessac. Tous les invités n’étaient pas là ce qui m’a fait penser à Luc 14, 15-24, mais ils ont eu bien tort.
Merci à tous ceux qui se sont dévoués pour les tâches matérielles et pour accompagner tous le groupes qui se sont retrouvés, des enfants jusqu’aux adultes en passant par les jeunes. C’est grâce à chacun que la fête a été belle et riche de partages divers. Le secteur se construit ainsi petit à petit, en dépassant les frilosités et le sectarisme de ceux qui sont incapables de sortir de leur environnement mesquin. La graine de moutarde va donner un grand arbre.
Vous pouvez voir les photos prises par Pierre Deprecq en allant sur internet : http://picasaweb.google.com/deprecq.pierre/20101003PessacEcologie?authkey=Gv1sRgCLCsvvSaoeS91QE&feat=directlink
Je vous joins le texte de mon intervention au cours de la conférence :
Mon intervention s’appuie presque exclusivement sur un document de la conférence des évêques de France : La Création au risque de l’environnement 2008.
Il y est dit que "la mission de l’église est d’inciter à faire usage de notre intelligence pour dépasser, sans en diminuer l’importance, une écologie de correction et nous engager vers une écologie de fondation." Notre approche de l’écologie ne saurait donc se limiter, à corriger quelques dérives, au souhait d’un retour à un état antérieur où les hommes ne mettaient pas encore la planète en danger. Nous ne sommes pas dans la perspective d’une reconstitution d’un état antérieur qui passerait par la limitation du poids de la présence de l’homme sur la terre. Il n’est pas davantage question de mettre en cause l’idée que l’homme est au sommet de la Création. Par contre, justement parce qu’il en est le sommet, l’homme ne peut nier qu’il fait partie de la nature et sa fonction de gestionnaire ne l’affranchit pas de son devoir de respecter le donné naturel qui conditionne son existence. La réflexion actuelle sur l’écologie pourrait lui permettre d’inventer des comportements nouveaux, respectueux de l’homme et de son environnement, de créer du neuf et non de revenir à un état antérieur.
Il s’agit donc de se mettre dans une perspective de fondation. Des attitudes nouvelles doivent être trouvées pour que l’exploitation des ressources de notre planète et la mauvaise répartition qui en est faite fasse place à des comportements plus responsables.
« Pour nous chrétiens, une écologie de fondation entraîne vers un au-delà de l’humanité; là où le Créateur a conçu notre avenir comme une alliance entre tous les êtres. Le christianisme, comme toutes les religions, a pour vocation de relier la totalité des choses qui existent. À la manière dont l’écrit Michel Serres, dans le contrat naturel, l’alliance nous entraîne au-delà du simple contrat social, même si ce dernier est fondamental pour notre vie en société. »
« À cause de Gn 1,28: "Emplissez la terre et soumettez-la; dominez…", etc., il est parfois reproché, à la tradition judéo-chrétienne d’avoir autorisé l’homme à faire un usage inconsidéré de son pouvoir pour dominer la nature. Mais le second récit de la création (Gn 2, 15) rapporte de manière imagée que l’homme a été "déposé au milieu du jardin pour le cultiver et le garder". Il n’est en rien signifié que cette mission l’autoriserait à une mainmise désordonnée sur son milieu naturel. Le premier récit renforce, lui aussi cette idée. Il invite l’homme à veiller à ce que la terre produise des fruits en abondance, à ce que les océans regorgent de poissons, à ce que l’homme cultive la terre pour trouver la nourriture nécessaire à son existence. »
Le danger est que l’homme, créé à l’image de Dieu, se croit autorisé à rêver de toute puissance en se croyant tout permis pour assouvir des désirs sans limite. Or, en l’occurrence, Dieu lui même ne fait pas usage de sa toute puissance de cette manière puisqu’il y met une limite : il s’arrête le 7° jour. Un Dieu qui ne mettrait pas un frein à sa puissance nous écraserait et ne nous permettrait pas d’exister. Nous pouvons vivre parce qu’il nous crée à chaque instant tout en nous laissant un espace qui nous soit propre.
Le 7° jour est devenu le sabbat dans la tradition juive, le jour où on s’arrête pour contempler la beauté de ce qui a été fait, où l’on se repose pour imiter l’autolimitation de Dieu qui fait une pause dans son ouvrage, pour vivre un temps de communion avec la nature et avec les hommes qui l’habitent, un temps enfin où même les étrangers et les serviteurs ont droit à se libérer de leur tâches habituelles. Il faut savoir s’arrêter de produire et de construire pour se rappeler que nous ne sommes plus des esclaves. Cf. Dt 5, 12-15.
« Observe le jour du sabbat pour le sanctifier, comme te l’a commandé Yahvé, ton Dieu. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage, mais le septième jour est un sabbat pour Yahvé ton Dieu. Tu n’y feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne ni aucune de tes bêtes, ni l’étranger qui est dans tes portes. Ainsi, comme toi-même, ton serviteur et ta servante pourront se reposer.
Tu te souviendras que tu as été en servitude au pays d’Egypte et que Yahvé ton Dieu t’en a fait sortir d’une main forte et d’un bras étendu; c’est pourquoi Yahvé ton Dieu t’a commandé de garder le jour du sabbat. »
On retrouve dans ce texte le lien avec la nature, avec les animaux, entre les hommes et avec l’histoire des hommes habités par la volonté de se libérer. Nous sommes invités à nous arrêter, à prendre du temps pour vivre en mettant un frein à notre désir d’avoir toujours plus et de prendre toute la place.
Pour chercher l’origine de la propension de l’homme à ne pas tenir compte de son environnement et à se croire tout puissant il vaut mieux peut-être se reporter à la Renaissance, où l’homme commence à exalter sa capacité de domination et sa puissance. Tout lui semble permis. Ensuite, avec les progrès de la science, l’idéologie qui fait croire à l’homme que ses capacités n’ont pas de limite a gagné de plus en plus de terrain. La nature, perçue jusque là comme une partenaire redoutable, semble pouvoir être domptée, maîtrisée, expliquée jusque dans ses racines les plus secrètes. Même Dieu devient inutile quand l’homme est omniscient et omnipotent. Nous avons oublié la délicatesse de Dieu qui sait se limiter et s’effacer pour que nous existions et qui est bien différent du Dieu de nos fantasmes.
Les problèmes de la pollution et de l’exploitation désordonnée de nos ressources nous ramènent à plus de modestie : l’homme ne connaît pas tout et ce qu’il entreprend génère des déchets. Il y a toujours un reste qui n’est pas compris, une méconnaissance qui entraine des réactions de la part de la nature. On pensait pouvoir s’en rendre maître et voilà qu’elle nous résiste, se rebelle. Au mieux il faut entrer en dialogue avec elle, parfois il s’agit même de se soumettre à ses impératifs ; elle redevient une menace ce que l’homme n’apprécie pas du tout. Le chrétien est interrogé.
Les contenus de foi, comme la théologie, accompagnent souvent les conceptions dominantes du moment, ils apportent un éclairage spirituel pour aider les croyants à grandir dans la foi sans quitter ce qui fait leur vie. Sans doute que la théologie a accompagné l’enthousiasme hérité de la Renaissance, de la montée en puissance des sciences et de l’espérance des trente glorieuses. Elle a su en même temps marquer les limites d’un monde sans Dieu et d’un homme uniquement centré sur lui-même. Maintenant que la perspective des lendemains qui chantent s’est éloignée, elle est capable de trouver dans son patrimoine et dans son histoire des aspects qu’elle avait oubliés un moment comme le lien entre l’homme et la nature et la responsabilité de gestionnaire que le Créateur nous a confiée. Quand à l’invitation faite à l’homme de ne pas se prendre pour plus grand qu’il n’est, malgré sa dignité incomparable, c’est un discours qu’elle n’a jamais perdu de vue.