Ceux qui m’appellent respectueusement « mon père » alors que je pourrais largement être leur fils me gênent un peu. Je ne suis pas davantage à l’aise avec ceux qui, bien que plus proches de mon âge, m’appellent de la même façon. Certes la paternité n’est pas que biologique et vient un moment où il faut accepter son père et même l’adopter. Mais j’ai renoncé à être père et je ne cherche pas à exercer une quelconque paternité sur mes semblables, surtout si cela sous-entendrait la prétention de les guider. Je ne suis ni un bon disciple, ni un bon maître !
Je résiste aussi au titre de « frère ». Je n’ai eu qu’un frère… et une sœur et la fraternité, quand elle mêle les liens du sang au choix librement consenti, est une aventure bien trop complexe pour être vécue aisément en dehors de la famille. Bien peu ont traversé les bons et les mauvais moments de mon existence, ont été touchés dans leur chair en même temps que moi jusqu’à pouvoir se dire « mon frère ». Rares, ils sont d’autant plus précieux. Avec les autres, le titre d’ami devrait suffire même si nous sommes tous frères en Jésus-Christ et si une foi commune rapproche ceux qui ont fait les mêmes choix de vie.
Se situer avec les jeunes et les enfants n’est pas plus facile. Certaines mères essayent de ressembler à leur fille ou à leur petite-fille et des vieux beaux tentent de faire croire qu’ils sont toujours jeunes. Comme des enfants commencent à m’appeler « papi », avant que d’autres ne me cèdent leur place dans les transports en commun, je me dis que je n’ai plus l’âge de jouer les jeunes ou de faire le joli cœur. Pourtant je résiste à ceux qui prétendent, qu’au dessus d’un certain âge, mieux vaut laisser à d’autres l’accompagnement des jeunes, d’autant que, la jeunesse étant une qualité très relative, on est toujours le vieux de quelqu’un…
Au contraire, comme bien des papis et mamies se débrouillent très bien avec leurs petits-enfants il y a une piste à creuser, surtout qu’une enfant m’a dit un jour : « tu n’es pas mon vrai papi mais tu es mon papi quand même ». Je suis souvent étonné par la spontanéité de l’affection qu’expriment certains enfants envers ce genre de « papi », attachement transitoire que les liens du sang ne viennent pas pérenniser, forts cependant.
Le papi est un confident : on peut se confier à lui parce qu’on sait que, ce qu’il entend, il ne le répètera à personne, surtout pas aux parents. De plus, il ne jugera pas. On peut même dire et faire des bêtises avec lui… quand ce n’est pas lui qui en invente !
Il sait plein de choses avec tout ce qu’il a vécu et on peut lui demander des conseils quand il n’exagère pas avec ses histoires d’autrefois. C’est un peu un sage qui serait plein d’amour. Il parle aussi de sujets dont les parents ne disent rien, de Dieu par exemple, on peut même lui confier des histoires de cœur.
Il a des principes et on ne peut pas faire n’importe quoi avec lui. Attention : ce n’est pas un copain. Par contre il pardonne vite si on revient, même sans s’excuser. Il suffit de courir vers lui en disant : « papi » et c’est gagné !
Il a des limites et des défauts, c’est normal il n’est plus très jeune et « c’est papa le plus fort ! ». Il n’est pas très beau avec ses rides, il lui arrive d’être fatigué ou énervé. Mais comme on n’est pas toujours avec lui, ce n’est pas si grave et ça change des parents.
Je connais des « vrais papis » qui vont dire que je n’y connais rien et que ce n’est pas du tout ça. Ils ont raison mais qu’ils me permettent de dire que les enfants en catéchisme ou en ACE n’ont pas besoin d’adultes qui jouent les copains ou qui prennent la place des parents. Les jeunes en aumônerie ou en JOC peuvent faire sans ceux qui les copient, ils ont leurs copains pour ça et à côté de leurs parents ils cherchent souvent des adultes responsables, à même de les écouter et de leur donner des pistes pour les aider à vivre.
Voilà une piste à creuser : on a besoin de papis, debout les vieux ! De mamies aussi mais c’est une autre histoire…