2 Corinthiens (12, 7-10). Marc (6, 1-6)
Jésus revient chez lui à Nazareth et il n’y est pas bien accueilli. « Pour qui se prend-il, celui-là ? Tout le monde sait d’où il vient ! On connaît sa famille ! Il ne va pas nous faire la leçon ! » Il nous arrive aussi de dire : « Celui-là, je le connais par cœur ! » ou bien : « Avant même que tu parles je sais ce que tu vas dire… » Comment aimer quelqu’un dont on prétend avoir fait le tour ? Nous avons tellement d’idées arrêtées sur les autres que nous avons du mal à les laisser venir jusqu’à nous, à faire de la place à la nouveauté qu’ils pourraient nous apporter et c’est ce qui est arrivé à Jésus de la part des gens de son village.
C’est pour cette raison que j’accroche à la remarque de Saint-Paul : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » Être faible, c’est permettre à l’autre de me rejoindre, sans me crisper, sans prétendre à toute force avoir raison ce qui couperait toute possibilité de dialogue. À quoi bon parler si je n’aborde pas l’autre avec la retenue nécessaire pour ménager un espace à la discussion, si je pense ne rien avoir à recevoir de lui ? Dieu lui-même retient sa puissance pour nous permettre de vivre. Sinon aucun échange n’est possible !
Beaucoup de chrétiens en particulier, même s’ils ne sont pas les seuls, pensent surtout à faire la leçon. Ils assènent des vérités qui sont pour eux des certitudes. Saint-Paul, lui, était conscient de sa faiblesse, cette mystérieuse « écharde dans la chair » dont il parle. Cette blessure en lui qu’il reconnaît lui permet d’aborder des gens différents, les païens, en se mettant à leur écoute avant d’enseigner.
Et nous, quelles sont les blessures que nous reconnaissons et qui limitent notre orgueil, qui nous empêchent d’être sûrs de soi, qui nous font dire : « J’ai besoin des autres… » ? Je cherche, je n’ai pas tout compris, je suis en attente… Nos faiblesses sont bien présentes mais nous préférons souvent en détourner le regard. Comment alors partir à la rencontre en disant : « J’ai besoin de toi, que tu m’aides, que tu m’écoutes, besoin de t’écouter, besoin qu’on échange pour progresser ensemble » ?
C’est quand on est faible que l’on est fort. Les sportifs de haut niveau le savent : la performance ne s’atteint pas par un passage en force qui ferait obstacle au déploiement de leur énergie. Il leur faut se libérer, se détendre, laisser parler leur corps. Il en est de même pour nous si nous voulons dialoguer en confiance. Cela passe par la reconnaissance de notre faiblesse, non pas pour nous rabaisser mais pour aller vers les autres, pour se libérer des jugements, des envies de condamner, en laissant de côté ce que nous croyons savoir d’eux et nos certitudes, en les laissant parler. Pour avoir la chance d’être accueilli, il faut aller vers l’autre comme un pauvre en disant « j’ai besoin de toi » parce que c’est vrai. Il va se bloquer si j’arrive avec mes certitudes et en voulant lui faire la leçon… je perds la connexion !
La faiblesse, c’est elle qu’a expérimentée Jésus, lui le fils du Tout Puissant. Il est venu parmi nous comme un être vulnérable au risque de se faire rejeter, d’être incompris, de s’entendre dire : « tu ne nous intéresse pas, ce n’est pas toi que nous attendons. » Et nous, tolérons-nous nos failles pour que les autres, et Dieu aussi, puissent passer par elles pour nous atteindre ? « Bienheureux les fêlés, car ils laisseront passer la lumière » Michel Audiard.