Foi ?

J’ai encore beaucoup de mal à accepter de passer pour un imbécile. Je le regrette parfois en voyant certains personnages ne pas réagir à des provocations stupides ou se contenter de sourire devant des jugements injustifiés. Je dois manquer de modestie ou de distance !
Je suis particulièrement agacé par la suffisance de certains athées, qui assènent leurs évidences avec tant d’assurance, que toute position contraire semble dépourvue de sens. À leurs yeux, seuls les demeurés peuvent croire les fables de la religion et ils tournent les croyants en ridicule. Je me laisse aller parfois à me vanter de mes grades universitaires rien que pour tenter d’échapper plus vite à leur mépris.
En fait, je crois que je déteste surtout les intégristes quels qu’ils soient, religieux ou non, ceux qui sont persuadés d’avoir la vérité au point de mépriser ceux qui ne partagent pas leur point de vue.
Je ne veux pas dire que je n’ai pas de convictions. Je suis profondément persuadé de l’existence de Dieu. Je pense, parce que je les pratique, que les pistes proposées par Jésus pour aller vers Dieu sont les meilleures, au moins pour des gens comme moi ; il y a d’autres manières valables d’aller vers lui, je le crois. Je pense simplement qu’elles me conviennent moins parce qu’elles ne correspondent pas à ma culture.
Il m’arrive aussi de penser que je pourrais avoir tort sur toute la ligne. Ce qui me gêne le plus dans la foi en Dieu, c’est qu’elle corresponde aussi étroitement aux attentes des hommes, ce qui la rend suspecte. Les athées pensent que nous prenons nos désirs pour la réalité ; c’est possible. Je persiste à penser malgré tout que ce n’est pas parce que Dieu me convient qu’il n’existe pas, surtout s’il m’a créé à son image. Je reconnais que ça se discute, mais la réponse n’est pas à notre portée pour l’instant. C’est un peu comme l’amour il me semble: il va dans le sens de notre désir dans ce qu’il a de plus fondamental et il existe pourtant. Ensuite, au niveau de notre vécu, tout ne va pas selon nos attentes. Rien n’est simple quand de l’Autre est en jeu, le dialogue et les échanges manquent de transparence, la relation a besoin de se construire.
Vis à vis de Dieu il faut faire un choix à un moment de sa vie. La foi n’est pas certitude, elle est du domaine de la conviction, de l’engagement. Lui dire « oui » ne met pas un terme à la recherche. Au contraire.
Je croyais que l’athéisme était en perte de vitesse, remplacé par un agnosticisme plus en phase avec la modestie du chercheur. Je me trompais ; les intégrismes de tout poil se portent bien. Je regrette, quand, chez des athées, leur conviction est un point final, un couvercle qui se referme sur une question qu’ils ont décidé de ne plus aborder. Il faut être un ancien religieux pour exprimer, comme Onfray, autant de haine envers les religions. Mais comment se peut-il qu’un homme instruit, intelligent, ouvert aux questions nationales et internationales… soit athée parce qu’il a passé son enfance dans une école religieuse ? J’espère qu’il y a d’autres raisons non dites… Comment peut-on rejeter Dieu, une fois pour toute, à cause des Croisades, de l’Inquisition, des guerres de religions, des papes de la Renaissance… ? La prescription est pour quand ?
La question est ailleurs. Que l’église, les Chrétiens, les prêtres… se soient souvent mal comportés, et ce n’est pas fini !, est une évidence. Mais est-ce que Dieu existe ? Est-il un Dieu d’amour ? Est-ce qu’il nous attend pour une éternité d’amour ? Est-il la source de notre vie, le dynamisme qui nous entraîne ? La question n’est pas close parce que le pape est contre le préservatif ou parce que ma grand-mère est morte et même un enfant.
Michel Serres écrit que ceux qui écartent l’idée de Dieu sont surtout des négligents. J’adhère à cette remarque et il y a des négligences volontaires, des personnes qui ferment cette problématique, sans doute par peur d’être déstabilisées : on est plus tranquille quand on s’enferme dans une démarche purement rationnelle qui ne laisse pas de place au mystère ou à l’irruption perturbatrice du radicalement autre. Les croyants intégristes ne sont pas plus ouverts.
La foi ne m’empêche pas de me perdre en Dieu. Malgré la qualité de son message, Jésus ne me donne que quelques pistes. Le mystère demeure. Je me demande souvent qui est celui que je prie, ce tout puissant si silencieux et tellement faible qu’il est facile de l’oublier, qui se laisse mépriser sans réagir. Jésus me dit qu’il est bon, les évangiles évoquent une trinité, ce qui met un peu d’animation dans les manières traditionnelles de le voir. L’église me propose des pratiques pour aller vers lui. Qui est-il vraiment ? Je sais bien que prétendre le connaître c’est le ramener à mes limites humaines alors qu’il est Dieu, nom de Dieu ! J’aimerais parfois avoir un peu plus de certitudes. Pour Spinoza, nous ne connaissons que deux des attributs de Dieu (la pensée et l’étendue) alors qu’il en existe une infinité. J’aime bien cette idée d’une perception infime d’un Dieu infini et tout autre.
Je crois qu’il est la source permanente de toute vie et que par amour, il ne devrait pas m’oublier sous prétexte que je meurs. Mais c’est quoi cette vie éternelle ? Être accueilli avec tout ce que je suis, avec tout ce que j’ai fait, avec tous ceux qui ont été importants pour moi…, le tout dans un océan d’amour… me plait bien. C’est mieux que de disparaître ou de me perdre dans un grand tout. Mais je n’y vois pas beaucoup plus clair pour autant, certains diront même que je ne prends que ce qui m’intéresse.
St Jean de la Croix dit que plus on avance vers Dieu et plus les ténèbres s’épaississent. Je veux bien le croire. Il dit que la nuit de la foi est le lot du croyant et qu’il est vain de penser qu’on en sortira dans cette vie.
Le mystère de Dieu est insondable, mais on a Jésus comme guide et, au moins, la recherche est ouverte, pour toujours.

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