Je suis retraitée actuellement, mais voici le contenu d’un entretien avant une IVG (=Interruption Volontaire de Grossesse) dans le service d’orthogénie où je travaillais :
Je reçois un couple venu en entretien pour obtenir le certificat nécessaire (à l’époque) pour faire une interruption volontaire de grossesse.
Avant de prendre sa décision, Mme X en avait bien parlé avec sa belle-sœur, sa sœur, des amies … toutes lui avaient conseillé d’interrompre cette grossesse puisqu’elle avait déjà deux enfants
J’ai permis à ce couple d’échanger et suis très peu intervenue dans cet entretien. A la fin de leurs échanges, le mari me dit : « ce n’est pas la peine de nous remettre ce certificat, ma femme ne fera pas cette interruption ! Si je ne l’avais pas accompagnée aujourd’hui, elle n’aurait pas gardé cette grossesse ».
Ils semblaient tous deux soulagés en partant. Mme X souhaitait en fait garder cet enfant, mais personne n’avait vraiment entendu son désir … et le mari n’avait pas mesuré l’importance de ce choix pour sa femme. J’étais contente d’avoir pu permettre un temps de réflexion à ce couple.
Comme je l’avais dit à un évêque de Bordeaux avec qui je m’étais entretenue sur le sujet, mon but n’est pas de dissuader les femmes, j’essaie d’être le plus neutre possible pour les aider à faire le moins mauvais choix, je sais qu’il n’est pas anodin : combien de femmes ai-je vues, en planification, disant : « J’aurais dû avoir un enfant qui aurait eu 16 ans ou 18 ans et 6 mois … » Cela en dit long …
Il m’arrivait d’aller, entre 12h30 et 13h30, à l’église de la Madeleine échanger avec un prêtre et poser un peu mon « fardeau » ou le partager, car être avec ceux qui ont à prendre une décision irréversible ne peut laisser indifférent, et c’est lourd parfois. Je faisais partie aussi d’un groupe d’ACI qui m’a beaucoup aidée. C’était mon « garde fou », je racontais les cas particulièrement difficiles pour moi, cela me rassurait car je savais que si j’allais trop loin dans la « compréhension » de l’autre (étant en empathie forcément), les membres du groupe me l’auraient fait remarquer … j’ai toujours trouvé des oreilles attentives.
Un prêtre m’a dit un jour : « J’espère que vous essayez de les dissuader quand même ! ». J’ai répondu : « Non, de par ma fonction je suis là pour les accompagner, les entendre, et les aider à prendre la moins mauvaise décision pour elles. » Je ne pouvais que les écouter et, à partir de là, pointer ce que le couple avait exprimé afin qu’ils ne restent pas enfermés dans une décision pas toujours bien réfléchie.
Ce qui me semblait très important, c’est que ces personnes qui venaient avec l’intention d’interrompre leur grossesse ne regrettent pas leur décision après le temps de réflexion de notre entretien Mon plus grand échec eût été d’entendre un jour : « J’ai eu un entretien avec vous avant de prendre ma décision, j’ai fait une IVG et je le regrette. »
Bien sûr j’ai préféré entendre une jeune femme promenant son enfant dans une poussette venant me dire : « C’est l’enfant que nous avons gardé après l’entretien que nous avons eu avec vous ! Nous sommes heureux, notre couple n’aurait pas résisté à un tel sacrifice de ma part, mon mari l’a compris après cet entretien et il ne m’a plus reparlé de faire cette IVG qu’il souhaitait pour moi. »
C’est pendant cette période de ma vie et dans ces accompagnements que j’ai crû être le plus missionnaire.
Mon témoignage n’est sans doute pas très apostolique mais je n’ai pas envie de prêcher la « Bonne Parole » ce n’est pas mon rôle.
Je m’interdisais même de porter un symbole religieux après quelques réflexions qui m’ont été faites :
une patiente « vous portez une croix pour me culpabiliser ? »
ou une gynécologue me disant un jour gentiment « ta croix est un signe ostentatoire »