Boire le calice ?

Il nous tarde de chanter : « Christ est ressuscité alléluia ! »

Il nous tarde de voir se lever le matin de Pâques !

« Parlez-nous de Jésus le Ressuscité, c’est la base de notre foi, faites-nous vibrer au souffle de l’Esprit ! »

 

Nous sommes gênés par la croix. Des paroissiens sont allés jusqu’à me proposer de l’argent pour qu’on déplace celle qui est suspendue à l’entrée du chœur. Ils éprouvent de la compassion pour cet homme pendu au gibet, ils voudraient que l’on sorte de leur vue ce corps supplicié qui heurte leur sensibilité. Ils ont du mal à penser notre Sauveur de cette manière : « Le Messie, le roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix, pour que nous voyions et que nous croyions ! » Marc 15,32. éviter l’épreuve par la religion, éternelle tentation du chrétien.

Certes, personne n’est enthousiaste quand il s’agit de passer par la souffrance et la mort, pas même Jésus. Pourtant, il y a des moments où les bonnes paroles montrent leurs limites, où les discours édifiants ne sont pas assez forts pour vaincre le mal ancré en nous, où la morale nous isole des autres au lieu de nous en rapprocher. Jésus ne s’est pas contenté de bons conseils, de donner le bon exemple, il est allé jusqu’au bout de son engagement. Quand les mots ne sont plus assez efficaces, les corps doivent prendre le relais, il faut donner sa vie.
Que notre corps participe, c’est ce qui nous est demandé au cours de ce carême, efforts symbolisés par les jeûnes et les privations… entre autres. Mais nous sous-estimons le chemin qui nous reste à faire, nous sommes trop rapidement satisfaits de nous. Le corps de Jésus a participé lui aussi, et jusqu’aux larmes de sang de l’agonie, jusqu’aux supplices et à la mort sur la croix. Il n’était pas question qu’il s’arrête en chemin. Même son corps ressuscité est un corps de supplicié : il porte encore les traces des clous dans ses mains et son côté béant garde la trace de la lance. Notre salut n’est pas une petite affaire, il demandait un investissement total. À notre tour, il ne suffit pas de changer dans notre tête et dans notre cœur, il faut que le moindre de nos comportements, tous nos choix soient marqués par l’appel de Jésus à le suivre. Il faut que le corps participe.

On peut bien sûr s’en tenir à quelques élans vers Dieu, quelques prières égrenées, l’un ou l’autre sacrifice soigneusement dosé. Mais alors nous n’entrerons jamais dans la joie de Pâques parce que notre attente sera trop courte : petits joueurs ! Il s’agit moins de devenir parfaits, que de ressentir nos manques, d’en souffrir, de reconnaître en nous l’appel vers une perfection qui nous fuit au fur et à mesure que nous pensons nous en approcher. En repartant, toujours repartir. Nous ne sommes jamais arrivés, toujours insatisfaits, troublés par nos limites plus que satisfaits de nos avancées.

Le jour des Rameaux, juste après le rappel de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, la liturgie nous invite à écouter le récit de la Passion. Les disciples se pressaient autour de Jésus quand tout allait bien. Ils n’avaient pas encore compris le sens de sa mission. La preuve : ils n’étaient plus là au pied de la croix.

Pour nous aussi, si nous refusons de passer par la croix il n’y aura pas de résurrection, seulement un peu de joie factice.

Engageons-nous résolument dans la semaine sainte en suivant ces étapes qui nous conduisent à Pâques, à la suite de Jésus qui nous dit : « ceci est mon corps ».

 

Laisser un commentaire