Présentation de deux de mes livres à la rentrée littéraire de Alice Média Store au Cap-Ferret
Il y a-t-il un lien entre ces deux livres, l’un écrit en 1994 à la suite de mes études en philosophie et le deuxième en 2007 au terme de mon séjour à Madagascar ? Les deux posent la question d’une religion après la religion, d’un Dieu qui continue à se proposer une fois les visions traditionnelles mises à mal.
La philosophie, mais aussi les vicissitudes de la vie, amènent à se poser la question de Dieu. Les visions religieuses de l’enfance ne tiennent pas longtemps face aux coups de boutoir de la déception, de la mort, des incertitudes du quotidien et de l’importance de la réflexion systématique. Les moments d’émotion se font rares et les points forts auxquels on s’accroche ont tendance à s’effriter les uns après les autres. Nous sommes alors à la croisée des chemins.
– Certains en viennent à se raidir. Plus ils sont inquiets et moins ils se posent de questions, bloqués jusqu’à l’absurdité dans ce qui leur a été enseigné ou qu’ils ont vécu dans les débuts de leur vie religieuse. Les intégristes sont dans cette catégorie, persuadés que la vérité se limite à ce qu’ils ont découvert à un moment donné, ils mettent le sceau de l’éternité sur une période transitoire et restent sourds aux interrogations venant de l’extérieur de leurs cercles.
– D’autres rejettent au contraire les découvertes de leur enfance. Ils sont persuadés que l’accès à l’âge adulte les libère définitivement de Dieu en même temps que du Père Noël. On retrouve parmi eux la palette des athéismes depuis Luc Ferry qui prend les croyants pour des attardés mentaux, jusqu’à Michel Onfray qui en fait des êtres dangereux, respirant la violence, en passant par Comte Sponville, plus modéré, qui pense que, raisonnablement, il n’est pas possible de croire en Dieu. Il faut aussi compter avec ceux qui regardent encore avec commisération les simples d’esprit qui parlent de Dieu à une période où la science a tout dit sur la vanité de telles approches.
– Il y a enfin ceux que Michel Serres appelle les « négligents », ceux qui ne se posent pas ce genre de question ou évitent à tout prix de les laisser venir jusqu’à eux. Plongés dans le quotidien de leur existence, ils bouchent les ouvertures qui pourraient laisser une place aux interrogations. Ils vivent à 100 à l’heure en espérant mourir aussi rapidement.
Etre mystique suggère qu’il y a une manière adulte de vivre la foi chrétienne. La tradition chrétienne est souvent méprisée au profit de sagesses antiques ou de pensées primitives proches de la nature. Nous sommes invités à régresser, à revenir à des origines fantasmées, à replonger dans notre intimité en rejetant loin de nous les préoccupations qui viennent de l’extérieur. Avec d’autres auteurs d’aujourd’hui, croyants ou non, j’aimerais inviter à la redécouverte de notre culture chrétienne, avec la profondeur de ses intuitions et la richesse humaine de ses approches.
Le même Michel Serres raconte, qu’il y a quelques années, tout le monde souriait quand il parlait de religion et faisait silence quand il abordait un sujet scientifique et que désormais c’est le contraire qui se passait. De plus en plus de personnes reconnaissent aujourd’hui qu’une tradition plusieurs fois millénaire doit avoir un contenu profondément humain qui ne peut être réduit à un simple délire. J’en ai fait l’expérience pendant le débat qui a suivi mon intervention.
C’est dans cette dynamique que je souhaite situer Être mystique, comme une invitation à découvrir deux géants de la pensée que sont St Jean de La Croix et Ste Thérèse d’Avila. À côté des penseurs du bouddhisme, des mystiques musulmans, juifs et même athées, ils décrivent une expérience qui rejoint la nôtre quand nous touchons au meilleur de nous-mêmes et de l’homme.
Violences malgaches suit une autre piste, celle de mon expérience de dix ans à Madagascar et rejoint le problème de la violence en général qui s’impose comme de plus en plus préoccupante de nos jours. Les remèdes à la violences sont en général les lois, les institutions, la morale, les pratiques sacrificielles, la répression, la religion…, en fait une violence s’oppose à d’autres violences et essaie de les contenir.
Jésus propose une autre voie qui consiste à ne pas entrer dans les rapports de violences ou plutôt de s’en extraire d’une manière continue, non d’un seul coup mais par une remise en cause régulière de nos comportements.