Fin de vie

échanger avec une personne en fin de vie et qui le sait, surtout si elle est jeune est une épreuve de vérité redoutable.

Impossible de se contenter d’un silence compatissant quand l’autre exige une parole. Difficile de se contenter de quelques mots conventionnels, ils sonnent creux dans ces moments-là. On est obligé de se lancer, de parler vrai en ne disant que ce que l’on croit, quitte à aller parfois jusqu’à la limite de ses doutes, aussi loin que possible, sans savoir toujours si l’on parle de ce à quoi on croit ou bien si on dit une foi qui nous dépasse, à laquelle on adhère tout en étant débordé par elle. On en sort épuisé, bouleversé en profondeur, il faut du temps avant d’oser renouveler la démarche.

Dans ces moments, on en revient aux fondamentaux de la foi. Elle était préoccupée de savoir si, après sa mort elle aimerait encore ses trois enfants encore petits. Qu’ils pensent encore à elle, ainsi que son mari lui semblait possible mais c’est en sens inverse que cela lui posait question. Je me suis surpris en train de parler de la communion des saints, cet élan d’amour qui unit les vivants et les morts puisque nous sommes tous pris dans un amour qui nous dépasse. La mort ne rompt pas le lien qui nous attache à ceux que l’on aime puisqu’avec Dieu il n’y a que de l’amour.

Mais comment parler de l’amour de Dieu dans ces conditions de révolte contre une maladie forcément injustifiable, dans l’angoisse devant la séparation proche, habitée par l’obscur désir d’un miracle qui viendrait changer l’ordre des choses… 

Entendre la question : « où est Dieu ? » et répondre : « il est là présent avec vous, comme votre mari qui ne vous a pas abandonné ». « Il est là » est-ce suffisant ? Inutile de partir dans de grands discours sur ce Jésus qui a donné sa vie pour nous, qui est passé lui aussi par la mort, qui est ressuscité et qui est toujours vivant. Mais le Père était là, avec Jésus au moment de son agonie. Il était là, sans miracle ni manifestation grandiose. Il était là, présent dans le désespoir de son Fils. Là à la croix. Il est là avec nous, dans le désarroi de nos nuits. Il est là avec ceux qui souffrent : « J’étais malade et vous m’avez visité ». Savoir qu’il est là n’est-ce pas l’essentiel ?

J’ai parlé aussi d’être dans la paix. Dans sa fatigue elle ne comprenait pas ce que cela voulait dire. J’ai essayé « se pacifier ». Ne pas se révolter contre ce qui nous dépasse et qui est inéluctable, accepter de ne pas laisser grandir en nous le ressentiment, contre personne même pas contre Dieu. Mais profiter de chaque seconde de la vie avec son mari, ses enfants. Vivre même si on va mourir, vivre à fond parce qu’on va mourir.

Il faut parler bien sûr, être vrai en flirtant avec la limite, mais, au-delà des mots, seule compte la rencontre et elle ne dépend pas de nous. Je ne sais pas si elle s’est réalisée, ce n’est plus de mon ressort. Ce sont de vrais moments d’amour.

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