Dieu que nul œil de créature
N’a jamais vu
Nulle pensée jamais conçu,
Nulle parole ne peut dire,
C’est notre nuit qui t’a reçu :
Fais que son voile se déchire.
Une hymne du bréviaire commence ainsi disant combien Dieu est le Tout Autre, au-delà de ce que nous pouvons dire ou imaginer. Existe-t-il des ponts entre lui et nous ?
L’Ancien Testament
Un début de réponse vient du livre de la Genèse : le chapitre premier affirme que Dieu nous crée à son image et à sa ressemblance, le chapitre deux indique qu’il met son souffle en nous. S’il est difficile de passer d’une image à la personne vivante, c’est déjà malgré tout une piste pour parler de ce qui la dépasse et si le souffle de Dieu est en nous, cela signifie que nous vivons de lui : Dieu ne nous est donc pas complètement étranger.
En utilisant ces moyens qui sont propres à leur origine, les croyants parlent de Dieu et lui parlent, ils essaient de discerner ses volontés. Les plus grands témoignages, authentifiés par notre tradition, ont été réunis dans l’Ancien Testament et sont un guide pour ceux qui cherchent Dieu. Cependant ils ne sont pas pleinement satisfaisants : souvent contradictoires, ils restent des paroles humaines, les chemins qu’ils ouvrent sont parfois chaotiques. Pour les chrétiens, ces textes ont besoin d’être relus avec une lumière plus assurée. C’est pour cette raison que nous croyons en l’Incarnation.
L’Incarnation
Ce mystère nous dit que « Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées ; mais, dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes ». He 1, 1-2. Seul le Fils peut nous parler avec justesse de son Père, tout le reste n’est qu’approximation.
« Le Verbe, la Parole de Dieu, s’est fait chair »
C’était obligé, bien sûr : nous ne comprenons pas les paroles divines. Puisque, pour s’adresser à nous, Dieu doit passer par un langage humain, il s’est fait homme. Est-ce que Jésus nous a tout dit de Dieu ? Non, ce n’est pas possible, nous ne pourrions pas comprendre, il est allé jusqu’à la limite de ce que nous pouvons saisir à partir de notre condition humaine. Par contre, les pistes qu’il nous a données pour aller vers lui sont les meilleures possible, il n’en existe aucune d’aussi assurées pour nous les hommes.
« Il a habité parmi nous »
Jésus n’est pas qu’une parole, il est aussi un homme qui a partagé notre vie dans tous ses aspects : la naissance, l’enfance, l’adolescence, l’âge mûr, la souffrance et la mort, l’amitié et l’affection, la confiance et la trahison, les hommages et les insultes… Sa vie, autant que les paroles qui nous ont été rapportées de lui, nous révèle des aspects surprenants de ce Dieu qui nous aime : il pardonne sans restriction, a une tendresse particulière pour les petits et les exclus, va chercher la brebis perdue, connaît la souffrance et l’angoisse de la mort, met un frein à sa toute puissance pour nous laisser venir jusqu’à lui comme quelqu’un qui a besoin de notre amour.
Trinité
Jésus est pris par l’amour de son Père, dans l’Esprit et il nous entraîne dans ce courant, nous invitant à nous laisser habiter à notre tour par leur présence, à devenir des fils à sa manière. Nous aurions eu du mal à inventer cela tant c’est différent de ce que nous imaginons de Dieu, il fallait qu’il vienne parmi nous pour nous en parler. Le message a encore du mal à passer mais Dieu a fait tout ce qu’il pouvait pour nous rejoindre.
Jésus est le seul chemin
Il y en a malheureusement pour qui cela ne suffit pas. Ils sont à la recherche de nouvelles révélations, de signes du ciel, de paroles mystérieuses, de contacts directs ; ils voudraient davantage que Jésus, plus que les évangiles, plus que l’église, plus que les mystères qui nous entraînent toujours plus loin quand on les médite et qu’on essaye de les vivre. Ils voudraient être comme des anges qui contemplent la face de Dieu, alors que pour nous c’est plus tard et que même les anges ne saisissent pas complètement la splendeur de Dieu.
Mais réfléchissons : qu’est-ce que le Père pourrait nous envoyer de mieux que son Fils incarné ? Au lieu de prendre avec confiance le chemin ouvert par Jésus, certains préfèrent attendre des miracles, ils cherchent des raccourcis qui leur éviteraient de faire la route. Or il s’agit de fausses pistes : le véritable raccourci, c’est tout droit à la suite de Jésus.
Jésus est Dieu
La lettre aux Hébreux que je citais en commençant poursuit : « Reflet resplendissant de la gloire du Père, expression parfaite de son être, ce Fils, qui porte toutes choses par sa parole puissante, après avoir accompli la purification des péchés, s’est assis à la droite de la Majesté divine au plus haut des cieux ; et il est placé bien au-dessus des anges, car il possède par héritage un nom bien plus grand que les leurs. En effet, Dieu n’a jamais dit à un ange : ‘Tu es mon Fils, aujourd’hui je t’ai engendré’. Ou bien encore : ‘Je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils’. » He 1, 3-5. Jésus est remonté vers le Père qui l’a ressuscité, reprenant la place qu’il avait quittée pour nous retrouver, tout en restant de notre race.
Dieu reste caché cependant, inaccessible à notre emprise, au-delà de tout ce que nous connaissons et que nous imaginons. Déjà que le moindre de nos proches nous surprend par son altérité qui nous déconcerte, il ne faut pas rêver mettre la main sur Dieu, malgré l’Incarnation. Allons même jusqu’à nous méfier de nos idées et de nos rêves à son sujet.