Jean 10, 11-18

La fin de cet Évangile est particulièrement inspirante quand Jésus dit : « Le Père m’aime parce que je donne ma vie », et notons bien qu’il rajoute aussitôt : « Pour la recevoir de nouveau… J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau. » Ce va-et-vient est essentiel : Jésus s’est livré totalement mais en échange, il reçoit bien plus. C’est d’autant plus important qu’une autre affirmation, chez saint Jean, vient compléter avec force : on ne lui prend pas la vie, il la donne… La différence est grande, d’autant que son offrande est un passage : il ne se dépouille que pour être définitivement gagnant. Il nous arrive comme lui de vivre des moments douloureux, d’extrêmes déchirements, avant de renaître… Jésus lui-même a reçu plus que ce qu’il a donné, il est certes passé par la croix mais le Père, en le ressuscitant, lui a donné une dimension nouvelle grâce à son incarnation transfigurée. 

Dans ce cas, le don de soi n’est pas avant tout un sacrifice, une frustration, une perte… si l’on récolte vraiment davantage que ce que l’on a semé. Certains, cependant, voudraient se faire plaindre et passer pour des héros qui se sacrifient pour le service des autres. C’est peut-être un effet COVID mais je rencontre aussi des personnes qui viennent au contraire me dire : « Je n’en peux plus, j’ai envie de faire quelque chose, de m’engager dans l’Église ou ailleurs ». Sans doute parce qu’elles sont privées de relations, elles en arrivent à se dire qu’elles ne doivent plus rester seules dans leur coin. La vraie mort, ce n’est pas de donner sa vie, c’est de la garder pour soi, de se recroqueviller sur soi-même, de ne plus voir personne… En donnant, on s’épanouit, on se reçoit en se dévouant. La recette du bonheur n’est pas dans le repliement mais dans l’ouverture tous azimuts. Et même quand on a l’impression de se perdre dans des relations qui nous épuisent, c’est ainsi que l’on se construit. Il vaut mieux, d’ailleurs,  se méfier définitivement de ceux qui se plaignent de ne plus avoir de temps pour eux : ils sont souvent en train de combler des manques…

Et nous chrétiens, où en sommes-nous de notre ouverture aux autres, ce que l’on appelle l’amour ? Contre tout dolorisme, notre destinée finale n’est pas de s’oublier, de se perdre, de se détruire mais de vivre en plénitude. Ceux qui, autour de nous, ne pensent qu’à eux, ne donnent rien… ne sont-ils pas rabougris, tristes, malheureux ? S’ils compensent par les fêtes, la boisson, la nourriture, les rapports sans lendemains… ne sont-ils pas vides à l’intérieur ? Il me semble au moins que c’est souvent le cas… 

Reconnaissons plutôt que nous nous construisons par nos relations, par les vraies rencontres, en nous cherchant les uns les autres pour grandir par ces contacts. Jésus nous invite à ne pas nous laisser déposséder de notre vie mais à la donner pour la recevoir de nouveau, pour la reprendre même dans une démarche égoïste bien comprise. Nous sommes assez forts pour ne pas nous laisser dépouiller mais quel service avons-nous à offrir ? Quelle est notre vocation dans l’Église et dans le monde ? Pas question de nous sacrifier, d’être malheureux… Nul n’a l’impression de se priver quand il prend conscience qu’il reçoit plus qu’il ne donne ; celui-là ne se rend pas malheureux, bien au contraire s’il gagne plus qu’il ne perd. Il est des moments où cela vaut la peine de s’oublier si l’on se retrouve plus riche qu’au départ…

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