« négligents »

Je dois me méfier de mes réactions agacées face à certains incroyants. Pas ceux qui se sont posé sérieusement la question et qui y ont réfléchi mais les autres… Alors qu’ils ne connaissent rien, ils affirment avec force qu’ils ne sont pas croyants ou que ce n’est pas une question pour eux. J’ai du mal à accepter que ce qui a autant d’importance pour moi soit jugé comme sans intérêt par d’autres et ce sans examen.

J’ai tort bien sûr, c’est leur droit. Tort aussi parce que ce n’est pas de cette manière que Jésus réagit avec la Samaritaine. (Jean 4, 5-42).

Il se trouve face à une femme qui ne pense qu’à la boisson et à des disciples qui sont préoccupés par ce qu’ils vont manger, non sans raison bien sûr. Je suis aussi régulièrement agacé par des gens qui ne vivent que pour la nourriture, la boisson, les voyages… Au lieu de critiquer, je ferais mieux de m’appuyer sur leurs attentes, comme Jésus, pour leur parler de l’eau vive qui pourrait bien mieux les combler que les mets les plus délicats.

Quand ils parlent de religion, ils sont à peine capables de rappeler le temps où ils étaient enfants de chœur ou de demander ce qu’est le carême et ce que je pense du mariage des prêtres…  Je ferais mieux de leur parler de l’importance de Jésus pour leur vie, leur faire comprendre que le Dieu qu’ils imaginent n’a rien à voir avec celui dont il est question dans l’évangile mais je me bloque à cause de leurs réactions juste polies.  Jésus ne répond pas à la question de la Samaritaine sur les lieux où il faut adorer. Toutefois, il part de ses questions religieuses, même futiles, pour l’inviter à une rencontre de Dieu en esprit et en vérité.

Elle a eu six maris, j’en rencontre beaucoup qui multiplient leurs conjoints. Jésus s’appuie sur cette soif d’amour incapable de se fixer pour lui révéler que le seul amour capable de la combler c’est le sien. Les gens que je rencontre ont sans doute des attentes que je ne soupçonne pas. Je serais bien inspiré de chercher avec eux  ce qui pourrait alimenter leur désir et les construire d’une façon durable.

Après tout, les « négligents », comme les appelle Michel Serres, auraient sans doute besoin qu’on leur montre que le Dieu qu’ils se plaisent à ignorer est une promesse pour eux aussi. Ils n’ont pas le courage de se poser la question, ils vivent sur des fausses représentations, ils ont peur de se laisser emporter au-delà de leur petit univers. Plus sûrement encore ils n’ont pas rencontré de chrétiens qui témoignent d’autre chose que d’une morale étroite, personne de proche qui leur donne envie d’une aventure à la suite de Jésus. Parce qu’ils n’y connaissent rien, ils sont sûrs  que les religions ne sont que des histoires pour les petits enfants et pour les demeurés. Quel enseignement leur donner pour qu’ils choisissent en connaissance de cause ?

Peut-être que même les « petits hommes », fruits du nihilisme que craignait tant Nietzsche : « un petit plaisir le matin, un petit plaisir le soir et surtout la santé ! », peut-être peuvent-ils s’ouvrir à plus grand qu’eux.

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