Homélie de la Fête de mon départ du Cap-Ferret

Un dimanche que je célébrais la messe au Cap-Ferret, la porte grand ouverte sur le Bassin selon mon habitude, j’ai vu passer à pied, dans l’encadrement, deux éléphants. C’est très gros deux éléphants et ils bouchaient complètement la porte. Ils étaient aussi étonnamment silencieux, personne ne s’est retourné.
Le temps que j’hésite, ils avaient disparu et si j’en avais parlé, ils auraient mis en doute ma santé mentale. J’ai trouvé étrange de ne pas pouvoir partager un événement sortant à ce point de l’ordinaire.
Il nous arrive un peu la même chose quand nous parlons d’expériences religieuses fortes. Pour beaucoup c’est étrange, tellement en dehors de leurs préoccupations quotidiennes, qu’ils nous regardent comme des bêtes curieuses, voire des demeurés. Certains nous envient de « voir » ce qu’ils ne voient pas. Il est vrai que nous ne voyons pas grand-chose, juste des impressions passagères qui nous laissent plus interrogatifs que réconfortés. Notre vie s’organise pourtant autour de ces moments fugitifs, elle se construit sur les fragiles assurances de la foi.
Nous sommes cependant relativement assurés dans nos convictions malgré leur fragilité et les remarques leur passent à côté quand bien même nous les comprenons.
En cette fête de la saint Barthélemy il est inutile de nier la responsabilité de l’église, pas plus que dans la répression des Cathares, les Croisades, les horreurs de l’Inquisition, les Borgia ou que sais-je encore. Pourtant cette église, toute humaine et mauvaise qu’elle soit, a été capable de porter jusqu’à nous le message de ce Jésus qui nous bouleverse encore. Si nous n’avons pas envie de lui chercher des excuses, nous sommes bien obligés de lui être reconnaissante de nous avoir transmis ces paroles, même sans les observer elle-même.
Notre pape est agaçant avec ses peurs, son latin, ses rigueurs autour du préservatif ou d’autres questions plus importantes. Les prêtres ont beaucoup de défauts et certains laïcs aussi. Il faudrait quand même reconnaître que là n’est pas l’essentiel s’il y a un Dieu qui nous aime et qui nous donne la vie et l’amour à chaque instant de notre vie. Les hommes qui en parlent ne sont que des hommes, mais c’est bien déjà quand ils en parlent.
J’ai célébré les obsèques ce matin d’un homme de 41 ans. Il y a de quoi être révolté et crier à l’injustice. Pourtant ce serait encore plus terrible s’il n’y avait personne contre qui se révolter, si le ciel était vide, si notre vie finissait entre quatre planches. L’espérance apportée par la résurrection du Christ, l’apaisement de savoir qu’il est lui aussi passé par la mort fait du bien, en espérant que ce n’est pas une illusion.
Inutile de prétendre être parfaits, ni l’église, ni les hommes d’église ; pas plus les laïcs que les non-croyants. Nous nous débattons chacun dans nos limites. La question n’est pas de donner l’exemple mais de transmettre ce que nous portons, dans des vases d’argile comme dit saint Paul.
Je pense que les raisons de ne pas croire sont souvent des excuses pour masquer notre paresse, le désir qui est en nous de rester dans nos égoïsmes. Ceux qui se disent athée ne sont en fait le plus souvent que des négligents.