Pauvres

Selon les évangiles, une journée type de Jésus comporte deux pôles principaux : l’annonce du Royaume et des guérisons en grand nombre ; à la fin du chapitre 4 de Matthieu par exemple. Si du côté des miracles, cela fait pas mal au bout du compte, seuls un petit nombre sont présentés en détail. Pour Jésus, guérir est une activité normale, il ne peut supporter de voir la misère humaine sans réagir. Mais les miracles ne sont pas l’essentiel de sa mission et ceux qui sont mis en avant le sont en tant que signes du Royaume qui vient et qui est déjà là. Or, pauvreté et Royaume vont de pair.

À la manière de Jésus, prendre en compte les manques des pauvres devrait être, pour tous, une activité normale. Il y a cependant des attentions qui enferment dans la dépendance et empêchent la responsabilisation. Celui qui aide doit tendre à devenir inutile jusqu’à se changer en partenaire. De plus, le but ultime du croyant est de témoigner à son tour de ce Royaume en lien avec le service du frère, sans se contenter d’œuvres de bienfaisance même accomplies comme naturellement. 

Comme tous ceux qui sont vraiment puissants, Dieu n’a pas besoin de faire ses preuves en imposant son pouvoir. Son Royaume devient manifeste quand les rejetés trouvent leur place dans le monde : «  les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. »  Mt 11, 5. Que les pauvres soient reconnus n’est pas une simple question de justice sociale puisque l’honneur de Dieu est en jeu. Le pape est bien dans son rôle quand il condamne les comportements qui conduisent à traiter les pauvres comme des « déchets ».

Il invite même à un pas supplémentaire. Il a le souci des pauvres et s’investit autant qu’il le peut à leur service. Ceci dit, son souci ultime est la réforme de l’église qu’il cherche à remettre dans la ligne de l’évangile. Sa démarche est novatrice dans la mesure où il met en lien ces deux préoccupations : la fréquentation des pauvres informe la ligne de sa réforme et c’est de leur image que l’église doit s’inspirer.

Il faudrait ainsi, selon lui, qu’ils deviennent des modèles ce qui est encore plus mystérieux. Modèles pour nous c’est déjà difficile à penser, alors pour l’église vaticane… Si François les fréquente assidûment c’est qu’il s’agit de leur ressembler. Dans une période où la réussite est la référence absolue, il faudrait être comme ceux qui sont en manque. La pauvreté est toujours un mal et pourtant ceux qui la subissent ont quelque chose à nous apprendre. La maladie comme le handicap blessent et tuent et pourtant la fréquentation jusqu’à s’en imprégner, de ceux qui en sont atteint est chemin vers Dieu. Si c’est vrai, il faut essayer ! 

Se contenter des pauvres en esprit serait rassurant ! Mais non… Inutile tout autant d’échanger pauvre contre malheureux. Il faut imaginer des pauvres heureux ! Les mendiants ? ce n’est pas forcément une bonne piste… Le mieux serait de renverser la question à la manière du passage sur « le bon Samaritain », non pas : « qui sont les pauvres ? » mais : « desquels je me fais proche ? ».

La question demeure : « qu’ont-ils à m’apprendre ? »

Je cherche encore une réponse satisfaisante à cette question.

Peut-être qu’une fréquentation plus assidue m’apporterait ce que je cherche…

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