Visite épiscopale

Nous avons eu droit à la visite de l’évêque. En deux fois : un lundi et un jeudi. Le premier jour, il a rencontré des professionnels, le second des estivants. À cette deuxième occasion, nous étions 380, venus de tout le tour du Bassin, pour participer à un temps de prière sur le banc d’Arguin, suivi d’un pique-nique. Un succès!

Le bilan du lundi est plus mitigé. Les restaurateurs ne sont venus qu’à 4. « Ils sont très occupés à cette période ». C’est bien clair, mais c’est pour cette raison que j’avais pensé intéressant de faire en sorte que notre archevêque les rencontre : dans les lieux de vacances il y a aussi des gens qui travaillent durement. Ils n’ont pas jugé utile de répondre à notre invitation, de consacrer deux heures de leur précieux temps pour cette occasion.

Sans doute, qu’en église, nous surestimons l’importance d’une telle visite pour des personnes qui font l’essentiel de leur recette sur deux petits mois de saison. Ils n’ont rien à gagner à une telle rencontre. Pêcheurs et ostréiculteurs se sont sentis honorés que l’évêque émette le désir de les écouter. Ils l’ont accueilli avec reconnaissance, heureux de partager un moment avec eux, de lui offrir à manger, de partager avec lui les soucis et les joies que leur procurent ces métiers.

Les restaurateurs se sentent peut-être suffisamment reconnus. Au Cap-Ferret ils rencontrent du monde et souvent du beau monde. Ils n’en sont pas à un évêque près, même s’il est cardinal de la sainte église !

Une telle visite est atypique du fait de sa gratuité. Il n’est pas courant que des personnages en vue souhaitent une rencontre sans enjeux particuliers. Un cardinal n’a rien à offrir de particulier, ni à demander. Si l’église a un déficit d’image à combler, l’efficacité d’une telle démarche est limitée et là n’est pas le but. Il s’agit plutôt, pour un responsable d’église, de mieux connaître le peuple auquel il est envoyé, en sachant qu’il est composé de personnes acquises au christianisme, alors que d’autres n’ont pas besoin de lui et n’attendent rien de sa venue.

Il faudrait se réjouir de cette inutilité. Nous ne sommes plus dans le cadre d’une église triomphante, capable d’user de son pouvoir. Le cardinal est venu en pauvre, en demandeur. Il a demandé qu’on l’invite et il l’a été par certains. La photo qu’a retenue le journal est celle d’un homme pieds nus, qui s’est déchaussé pour aller sur les parcs.

Difficile d’abandonner le mode d’action des puissants, de s’accepter faible pas seulement parce qu’on ne peut pas en faire plus, mais en pensant que l’avenir est là. Jésus nous y invite pourtant. Michel Serres de son côté défend l’idée que le ressort de l’évolution n’est pas la lutte pour la vie qui fait que le plus fort s’impose, mais les associations pertinentes qui construisent des formes nouvelles de vie. Je cherche avec obstination à me persuader qu’ils ont raison, que là est la voie, que l’avenir du monde est du côté des petits, des faibles et non des puissants, cela reste chez moi une conviction intellectuelle, juste bonne pour les croyants. Les marxistes disaient que les exploités allaient gagner mais à condition de devenir les plus forts, ce qui ne résout rien. Quand l’homme, le plus faible des animaux, domine la terre, il commence à la casser.

380 personnes réunies sur le banc d’Arguin pour prier, ça ne sert à rien, il n’y a peut-être pourtant rien de plus important.

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