Les prêtres ont assez souvent des réactions après l’homélie du dimanche. Remarques sympathiques ou interrogatives. Le plus gênant est quand personne ne nous dit rien. On se demande alors si on est passé à côté du sujet, pourquoi n’a-t-on pas réussi à accrocher les gens… L’impression est fausse, mais pas toujours !
Parfois les réactions de certaines personnes sont franchement négatives et c’est presque un soulagement puisqu’on a l’impression d’avoir été au moins écouté !
Quand j’ai dit qu’on ne pouvait pas être chrétien et voter Front National j’ai eu pas mal de remerciements à la fin, mais il s’en est trouvé un pour me dire que mes paroles étaient inadmissibles, que lui-même ne votait pas comme cela, mais qu’il comprenait que l’on vote dans ce sens, surtout avec des discours comme les miens. Je persiste pourtant à croire que ces positions ne sont pas évangéliques.
Quand j’ai dit que l’on ne pouvait pas devenir vraiment riche sans voler les pauvres, je pensais être dans la ligne des Pères de l’église, mais j’ai eu des remarques de la part d’un ami blessé qui m’a dit combien il devait travailler pour arriver à joindre les deux bouts. Cela n’avait bien sûr rien à voir, surtout qu’il m’avait dit, juste avant, avoir refusé une affaire en Afrique parce qu’elle n’était pas respectueuse de l’environnement. Je confirme : il ne deviendra jamais riche parce qu’il respecte trop les hommes et la nature, même loin de notre pays.
Un autre m’a dénoncé au Vatican parce que j’avais dit ne pas croire à une âme immortelle : j’avais précisé que nous n’étions immortels que par Création divine et non grâce à une propriété qui nous serait propre. Nous ne sommes immortels que parce que Dieu nous veut ainsi. Mais il n’a pas écouté la fin, peu ouvert qu’il est aux nuances du christianisme. Toujours aux aguets, le même a récidivé en écrivant à notre évêque pour dénoncer à nouveau mes propos : j’avais dit que la croyance dans l’immortalité de l’âme, toujours elle, était commune à bien des religions, y compris païennes et que notre foi chrétienne allait bien au-delà en croyant à la résurrection de la chair. J’avais été frappé par l’évangile du jour, de saint Jean, dans lequel Jésus insiste sur sa chair, ses os, où il veut se faire toucher par Thomas ; ailleurs, il mange et boit pour montrer qu’il n’est pas un esprit puisqu’il a un corps, encore marqué par les stigmates de sa passion. Et encore je n’avais pas dit que Jésus nous donnait sa chair à manger et son sang à boire, il aurait été encore plus scandalisé ! Le christianisme est une religion de la chair ce que refusent bien des personnes qui se prennent pour de purs esprits.
Un dernier exemple qui ne concerne pas directement mes homélies : notre journal paroissial avait publié une caricature du pape défendant le droit des immigrés. Elle était caricaturale, comme toute caricature, mais je trouvais qu’elle présentait plutôt positivement les positions du pape. Je ne résiste pas au plaisir de vous partager une partie du message que j’ai reçu : « Le vrai sens de ce dessin est celui-ci : le Pape serait un avatar de maffioso.
Prenez la peine d’observer le graphisme : des yeux qui tuent, un rictus agressif, des dents menaçantes, de gros doigts sertis de grosses bagues de maquereau – on dirait les doigts de Dodo-la-Saumure….. Est-ce cela le Pape ?… » J’ai eu beau faire appel au sens de l’humour des chrétiens qui ne sont pas prêts à tuer pour une présentation caricaturale d’un prophète, rien n’y a fait ! On s’est réconcilié depuis.
Mais la censure menace… Dieu me garde !
