Folie

Est-ce que Mohamed Mehra était fou ? La question me trotte dans la tête. 

Que l’on puisse tuer un enfant froidement est pour moi de l’ordre de l’impensable.

Je sais bien que des enfants sont tués dans toutes les guerres et les Français n’ont pas fait exception dans les leurs. Mais il s’agit alors de circonstances exceptionnelles, il y a des mouvements de masse, des idéologies qui conduisent au refus de l’autre. Pour tuer quelqu’un il faut le considérer comme une quantité négligeable, une chose, un sous-homme qui n’a pas le droit de vivre. Sans le nazisme il aurait été difficile d’imaginer des camps d’extermination. Il rend la barbarie, et les actes déraisonnables qui en découlent, pensables sans être excusables pour autant.

L’auteur d’un attentat aveugle, quant à lui,  a une certaine conscience de ses actes même s’il tue sans discernement. S’il compte des enfants parmi ses victimes c’est comme par dessus le marché. La force de ses revendications lui fait perdre de vue l’importance des individus auxquels il s’attaque. Il est pris dans une spirale de violence qui emporte ses raisonnements loin de la raison commune. 

N’est-ce pas cela la folie quand une idée fixe l’emporte sur un rapport sain au réel, quand le cerveau tourne à vide, de plus en plus vite, isole le sujet dans une bulle que rien ne peut plus percer ? Je connais des chrétiens qui s’isolent eux aussi et s’enferment dans leurs certitudes. Ils ne passent pas à l’acte mais je sens parfois la haine qui monte en eux.

Le pire avec Mohamed Mehra est que ses crimes ont été programmés, planifiés, les cibles choisies, ses actes minutieusement exécutés… Devant un tribunal sans doute aurait-il été déclaré responsable tellement il s’est enfermé volontairement et obstinément dans les impasses de sa haine généralisée, aux couleurs de l’islam, même s’il n’était pas vraiment pratiquant.

L’erreur serait pourtant de croire que l’islam peut amener un croyant non prédisposé à de telles extrémités. Même perverti, même intégriste, je me plais à croire que ce n’est pas possible. Il est vrai par contre que nos religions attirent les fous comme des aimants. Certains s’en trouvent calmés tandis que d’autres y puisent des encouragements pour leur folie, ils coulent leurs délires dans la religion. À côté des gentils fous, un peu dérangés, il y a les méchants et quand ils se réveillent, on compte les morts. S’il n’y avait pas la religion ils trouveraient autre chose : les nazis étaient plutôt écolos. Mais la religion est un terrain de choix pour recevoir les délires de ceux qui décrochent de la réalité.

Plus terrible encore est ce qui s’est passé avec ces quatre jeunes de 15 et 17 ans qui ont tué leur camarade de classe de deux balles dans la nuque avant de faire brûler son corps. Cette violence a été moins médiatisée bien qu’elle fasse froid dans le dos, davantage même que les agissements de tueurs plus spectaculaires. Comment peut-on en arriver à une telle déconnection de la réalité, à une telle réduction de l’autre à une chose que l’on peut détruire sans problèmes ? Il n’est même plus question de religion ou d’idéologie, simplement du caprice de quelques ados qui cherchent à se protéger des conséquences de leurs méfaits minables.

Au fond, je pense que l’on n’a pas conscience de la gravité du mal qui habite l’humanité et chacun d’entre nous. Surtout nous les chrétiens qui parlons avec allégresse de résurrection, qui sommes tout prêt à chanter les merveilles de Dieu, tout en détournant les yeux de la Croix du Sauveur. La mort ignominieuse de Jésus était nécessaire pour nous tirer de la profondeur de notre ornière, mais la route est encore longue pour sortir du mal, surtout si nous préférons ne pas le voir.

De quoi serions-nous capables en temps de guerre ? Une émission récente a montré combien peu de gens refusent de torturer celui qui donne de mauvaises réponses. En dehors de ceux qui les font par plaisir, les tortures sont faites par des gens ordinaires. Aurions-nous su résister ? Je me le demande parfois comme je me demande dans quelle mesure mes convictions et mes croyances ne font pas obstacle à mon ouverture à l’autre.

 

 

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