L’art dêtre grand-pêre

Je n’ai jamais eu d’enfant. Je ne crois pas l’avoir vraiment regretté. Si, bien sûr, un peu, parfois. Aujourd’hui que mes amis de longue date deviennent grands-parents et l’âge étant là, je me retrouve, moi aussi, en position de grand-père et je découvre avec bonheur. J’aime bien quand mes proches débarquent chez moi avec leurs petits-enfants, d’autant plus que, contrairement aux parents, je ne les ai pas constamment et, contrairement aux vrais grands-parents, il est rare que je sois avec eux une journée entière ou une nuit. Ce n’est donc « que du bonheur » pour reprendre une formule qui commence à m’agacer par ailleurs.
Je trouve émouvant de tenir un enfant dans ses bras, d’entrer en relation avec lui, de chercher les moyens de l’intéresser ou de le séduire… Je suis amusé par leur jeu entre la peur de la nouveauté, le désir d’entrer en relation et leur manière de nous faire comprendre ce qu’ils désirent. Inquiet quand ils sont inconsolables dans mes bras, je suis soulagé quand leur mère ne fait pas mieux. Je suis ému quand, plus grands, ils viennent me prendre par la main pour que je les amène faire un tour, ou quand ils veulent parler avec moi.
Je suis fasciné par leur désir d’apprendre. Ils regardent partout, veulent toucher, comprendre comment ça fonctionne, ils arrivent très vite à ouvrir, fermer, tournent des pages, ils testent des sons, expérimentent l’efficacité de certaines de leurs attitudes. Ils captent ce qui vient de leur environnement, mais on sent qu’ils l’assimilent à leur manière, l’organisent, ce ne sont pas des éponges, ils sont intelligents. C’est beau un petit d’homme qui s’éveille.
Ils répètent, cherchent à revenir aux mêmes endroits, sans doute pour se donner des repères, ils essayent de reproduire ce qu’ils voient ou qu’ils entendent, sans cesser d’être attentifs à la nouveauté qui les effraie et les fascine. Ils cachent et redécouvrent leurs jouets, ce n’est pas étonnant que chaque parent trouve que le sien est le plus beau et le plus intelligent : il faut être dans une grande proximité pour saisir toutes ces richesses et y goûter.
Je ne savais pas qu’un enfant se mettait debout avant de se lancer dans la marche, surtout les filles paraît-il. C’est beau cette force de la vie qui pousse un bébé à s’asseoir, à quitter la sécurité des bras de ses parents pour aller par terre et partir à la découverte. Il fait ses premiers pas en étant soutenu. Et puis il se dresse sur ses jambes, tout seul, chancelant mais très fier de lui, s’accroupit à nouveau avant de se relever… Ensuite il démarre, quelques pas d’abord, de plus en plus, peut-être déjà conscient d’être un homme.
Merci à Mathilde, Simon, Thomas, Quentin, Achille et tous ceux de passage qui m’apprennent tant de choses. Ils sont entourés de beaucoup d’amour. Bien sûr ce n’est pas suffisant, ils auront aussi à faire l’apprentissage de la vie avec ses exigences, les choix et les engagements qu’elle demande. Déjà ils font l’expérience de limites et ils se construisent en apprenant à les gérer. Nous avons peur parfois du monde que nous sommes en train de leur léguer, mais quelle plus belle expression de l’espérance que de lancer aujourd’hui des enfants dans la vie ?